Évolution du trait de côte à Hardelot-Plage
Pour un développement raisonné de la station
Un développement raisonné, un développement motivé
Comme son nom l’indique, un développement raisonné est un développement guidé par la raison et, par voie de conséquence par des raisons ou motifs. Si la rationalité préside dans les décisions, elle varie selon les catégories d’acteurs. Les rationalités des propriétaires fonciers, des promoteurs immobiliers, des agences immobilières, des commerçants et artisans, des bailleurs, des élus municipaux et communautaires, des résidents principaux, des résidents secondaires, des résidents de passage, ou des visiteurs ne sauraient se confondre. Elles recèlent, certes, des convergences, mais également des divergences. Ces rationalités se conjuguent avec des enjeux, dont le terme (court, moyen, long) est variable, selon la catégorie d’acteurs concernée.
Propriétaires fonciers, promoteurs, agences immobilières, commerçants, artisans, municipalité, bailleurs, une motivation fondamentalement financière
Vente de terrains et programmes de construction au meilleur prix
Ce qui est en jeu pour les propriétaires fonciers, qui destinent leurs terrains à la vente, est la vente de leurs terrains au meilleur prix. Quand leurs terrains seront vendus et bâtis (si ce sont des terrains constructibles !), l’enjeu disparaîtra. Néanmoins, ils peuvent espérer que des terrains inconstructibles le deviennent, par modification du PLUI. Il en va de même pour les promoteurs immobiliers, dont le champ d’action est limité par la constructibilité des terrains vierges, et par l’éventuelle destructibilité du bâti (destruction du bâti existant et reconstruction avec densité plus élevée). Les limites du territoire constructible et de la densification forment les limites du développement pour ces acteurs. La réalisation du potentiel de développement et sa rapidité sont conditionnées par l’attractivité de la station. Supprimer des espaces naturels, densifier l’habitat, au-delà de certaines limites, vont contribuer à réduire l’attractivité de la station, donc porter atteinte aux attentes des propriétaires fonciers et des promoteurs immobiliers, mais aussi d’autres acteurs.
Croissance du chiffre d’affaires et de la rentabilité
Pour les commerçants, l’enjeu est le chiffre d’affaires conjugué à sa rentabilité. Il est étroitement lié au revenu disponible des résidents principaux et secondaires, des résidents de passage et des visiteurs, et à la propension de ces acteurs à consommer ce revenu dans les magasins de la station. L’attractivité durable de la station conditionne le revenu disponible et la propension à consommer que se partagent les commerçants, à un double titre. D’abord, cette attractivité permet la croissance du nombre de résidents principaux et secondaires, donc du revenu disponible. Puis, elle permet la transformation du revenu en dépenses, donc en chiffre d’affaires, selon la propension à consommer qu’elle suscite. Pour chaque commerçant, le développement de son chiffre d’affaires dépend de la structure des dépenses des ménages résidents et de l’attractivité de sa propre affaire. L’activité des commerçants est donc simultanément complémentaire et concurrente.
Le raisonnement est identique pour les artisans, à ceci près que les résidents de passage (en hôtels, gîtes, chambres d’hôtes, location) sont des cibles exclues pour eux.
Pour les bailleurs (locaux commerciaux, locations longue durée, locations saisonnières, ou de passage), l’enjeu est également le chiffre d’affaires et sa rentabilité, et la limite est induite par l’attractivité de la station et l’attractivité de leur propre affaire.
Il en va de même pour les agences immobilières, dont le potentiel de développement est lié aux transactions immobilières et à leur prix.
Contrairement aux propriétaires fonciers et aux promoteurs, dont l’horizon est à court terme, commerçants, artisans, bailleurs, agences immobilières peuvent avoir une vision sur le long terme. En effet, quand le développement immobilier de la station aura atteint ses limites, leur marché n’en sera pas pour autant éteint, tant que l’attractivité sera de bon niveau.
Croissance des rentrées fiscales
Pour les élus communaux, communautaires, départementaux, régionaux, l’enjeu principal est l’impôt et la taxation sous toutes leurs formes. L’attractivité (donc la satisfaction des résidents) est aussi une limite, sachant qu’ils participent quelque peu à la détermination de cette limite, par l’importance de la pression fiscale qu’ils imposent aux résidents et du niveau de satisfaction des résidents. Autrement dit, au-delà d’un certain niveau de pression fiscale, cette dernière devient dissuasive pour les éventuels candidats à la construction ou au rachat de constructions existantes (courbe de Laffer : l’impôt tue l’impôt).
Il est facile de constater que tous ces acteurs ont un enjeu commun, principalement de nature financière, et que le développement de la population des résidents principaux et secondaires participe, de manière fondamentale, à la réalisation de cet enjeu. Plus le revenu disponible de ces résidents est élevé, plus la réalisation de cet enjeu est facilitée. Le levier d’action est la sélection par le prix : prix des terrains, prix de la construction neuve, prix de la construction d’occasion, niveau de la pression fiscale. Encore faut-il ne pas abuser de ce levier pour ne pas dissuader les candidats à la fois intéressés et intéressants. C’est un travail d’optimisation.
Résidents, un désir de bien-vivre conjugué à une motivation patrimoniale
Pour les résidents, qu’ils soient principaux ou secondaires, l’enjeu est pluriel. Il est, d’abord, d’acquérir un bien d’un niveau de qualité et de prix qui correspondent à leurs attentes. Il est aussi de maintenir la valeur patrimoniale de ce bien. Le maintien de cette valeur patrimoniale dépend de la durabilité de la qualité intrinsèque du bien et son niveau d’obsolescence dans le temps (ex : évolution des normes thermiques, des sources d’énergie, des goûts, etc.), mais également de la durabilité de l’attractivité du quartier, et finalement de la station. Il est, ensuite, d’accéder à un niveau de services satisfaisant (services de santé, de commerce, de transport, d’équipement de la maison et de la personne, de loisirs et de culture pour adultes et pour enfants, d’éducation pour les enfants). Enfin, l’enjeu est aussi de vivre dans un cadre, qui, subjectivement, satisfasse la plus grande majorité des résidents, donc un cadre durablement attractif. Participent à cet enjeu la clémence du climat, la beauté des paysages terrestres et maritimes, l’équilibre entre espaces naturels et espaces bâtis au sein de la station, la hauteur et le niveau de densité du bâti, le maintien des espaces naturels autour de la station, le niveau de densité de population, le niveau de densité de la circulation automobile, de la pollution atmosphérique, sonore, olfactive, l’importance des espaces de circulation pour les piétons, les vélos, etc.. S’il est un facteur indépendant de la volonté des acteurs, le climat, les autres résultent d’une politique et de stratégies de développement finalisées par ce désir de bien-vivre.
Un horizon d’enjeux variable selon les catégories d’acteurs
La dimension temporelle de la réalisation des enjeux varie selon les catégories et les logiques d’acteurs. Les propriétaires fonciers et les promoteurs immobiliers sont régis par le court voire le moyen terme, comme nous l’avons écrit précédemment. Les logiques des commerçants s’inscrivent plutôt dans le moyen terme, voire le long terme, selon l’horizon qu’ils se donnent pour la valorisation de leur capital, leur motivation fondamentale (revenus ou plus-value) et leur niveau d’attachement à la station. Les logiques des résidents principaux et secondaires sont plutôt présidées par le long terme.
Une vision à long terme, en harmonie avec un diagnostic, des valeurs et des stratégies
La vision comme boussole
« Il n’est de vent favorable pour celui qui ne sait où il va » (Sénèque). La vision joue le rôle d’une boussole. Définir une vision à long terme, c’est répondre à la question : quelle station voulons-nous laisser à nos enfants et petits enfants ? En creux, c’est aussi répondre à la question : quelle station voulons-nous éviter à ces générations futures ? Nous savons que du projet à sa réalisation, il y aura probablement des écarts, mais cela ne retire en rien l’utilité du projet, de la vision. La réalisation d’un projet est toujours fortement contextualisée, et malgré tous les efforts de prévision et de prospective, il est difficile d’envisager tous les scenarios possibles. Mais, à choisir entre subir les évènements et essayer de conduire le développement, l’expérience montre que le deuxième terme de l’alternative est préférable. De toute façon, si les résidents n’ont pas de projet pour leur cadre de vie, d’autres acteurs en ont un, et celui-ci ne leur sera pas automatiquement favorable. La CIH, par exemple, a un projet immobilier pour la station, donc une vision de la station, au moins pour la partie du territoire à laquelle elle s’intéresse. Les élus, eux, ont-ils une vision de la station ? Si oui, elle n’a jamais été rendue publique. Si non, ils gouverneraient la commune sans boussole ! En clair, ils ne sauraient pas où ils nous emmènent. Cette hypothèse est la plus probable, à en juger par le Schéma Managerial de Développement Urbain et Commerçant, qui n’est qu’une compilation des projets déposés ou prévus par les promoteurs immobiliers et par la Municipalité. Pourtant, le document de présentation prétend bien fournir une « vision globale du développement de la commune ». Ce n’est visiblement pas une vision, au sens managérial du terme, mais simplement un inventaire de projets immobiliers. Le qualificatif « managérial » du Schéma n’est, alors, pas approprié. Mais, il est vrai, de SMDUC, nous n’entendons plus parler, et il n’y a plus de réunions !
Le diagnostic, comme base de départ
Une vision nous indiquerait un horizon (5 ans, 10 ans, 15 ans) et un projet crédible, concernant tous les acteurs de la commune, engageant, et reflétant la personnalité de la commune et son positionnement dans l’univers des stations balnéaires de la Côte d’Opale. La station ne part, évidemment, pas de rien. Elle a des forces indubitables, comme le signifie son attractivité actuelle. Mais la station recèle aussi des faiblesses, qui nuisent à cette même attractivité. Elle a un certain potentiel (le champ des possibles), qu’il conviendrait de définir mais aussi des limites, qu’il serait aussi intéressant de cerner. Ce potentiel est déjà, pour partie, réalisé. Quels sont les possibles à explorer, et éventuellement, à exploiter. Quelles sont les limites ? Autrement dit, la vision doit s’appuyer sur un diagnostic sérieux.
La stratégie comme voie à suivre
Le diagnostic fournit la situation de départ, la vision formule la situation souhaitée, l’ambition, au terme décidé. Ce qui permet de passer de l’un à l’autre, c’est la stratégie, autrement dit les voies et méthodes, et sa traduction en priorités et en plan d’action.
Les élections municipales sont passées. Nous pouvions espérer que les candidats auraient la sagesse de nous présenter un programme, qui ne serait pas qu’un inventaire de projets particuliers, mais la traduction d’une stratégie solidement fondée sur ses deux piliers que sont le diagnostic et la vision. Au travers de la stratégie et du plan d’action (programme) qui la décline, les électeurs sauront décrypter les valeurs sous-tendues ! Les valeurs peuvent s’afficher, mais ce sont les pratiques mises en œuvre qui permettent de les discerner ! Il en va de la valeur écologique, comme des autres valeurs !
Bref retour à la base nautique
Que dire de la base nautique ? Les motifs d’un projet de rénovation ou de remplacement ne manquaient pas, surtout ceux qui s’inscrivent dans une logique d’attractivité de la station. L’ancienne base nautique enlaidissait la station, et pouvait désespérer ses utilisateurs. Il était impératif de la rénover ou de la remplacer. Qu’est-ce-qui peut bien motiver le projet retenu, eu égard à son coût pour la collectivité, coût financier mais également coût écologique (voir article sur artificialisation des sols) ? Une analyse sémiologique de ce choix serait sans nul doute intéressante. Mais, ce qui est difficilement compréhensible, c’est le choix de l’emplacement doublé d’un choix d’ancrage irréversible de la construction, considération faite des risques d’immersion liés à la montée désormais certaine du niveau de la mer.
L’avenir d’Hardelot conditionné par une croissance de sa population ?
Lors d’une rencontre récente avec « Vivre Hardelot », nos interlocuteurs nous ont d’emblée interrogés pour savoir si l’avenir d’Hardelot était une problématique commune. Notre réponse a été évidemment positive. Si nous agissons, comme nous le faisons, pour protéger l’écrin de nature dans lequel niche la station, c’est bien parce que le moteur de notre action est l’avenir d’Hardelot. Nous ne voulons pas que les générations futures nous reprochent d’avoir laissé le développement de la station soumis aux seules attentes des promoteurs immobiliers et, derrière eux, aux deux ou trois propriétaires des terrains. Il suffit de regarder le front de mer. Le front de mer n’est que béton et goudron. Il est dépourvu de toute végétation. Oui, nous sommes préoccupés par l’avenir de la station, d’autant que la problématique de la montée des eaux à brève échéance ne semble toujours pas avoir pris sa place dans la carte mentale des différentes parties prenantes.
Rapidement, l’échange a glissé sur le probléme du commerce local, en grave difficulté, selon une de nos interlocutrices et sur la solution à apporter : le développement de la population de 1900 à 2300 résidents, ce qui passerait par de nouvelles constructions, notamment sur des terrains, que nous protégeons à juste titre, et pour lesquels nous avons engagé une action en justice administrative. Nous ne sommes, bien entendu, pas opposés à la construction sur les terrains constructibles, en souhaitant, cependant, que les constructions nouvelles s’inscrivent dans une politique de développement cohérente avec une vision d’Hardelot à 10 ou 15 ans qui reste à définir.
En raccourci, l’avenir d’Hardelot passerait par la résolution des difficultés du commerce local, qui est lui-même conditionné par de nouvelles constructions, et par voie de conséquence, par l’abandon de nos actions de protection.
Tout d’abord, le commerce d’une station, d’un village, d’une ville est un équipement de service à la population. Certes, il est privé, mais il reste un équipement. Dans certaines zones de France, le commerce de proximité a disparu. C’est regrettable parce que c’est un service à la population qui disparaît. Certaines communes ont donc subventionné directement ou indirectement des commerçants pour qu’ils se maintiennent ou viennent s’installer.
Dans certaines villes, la population des centres-villes a été également dépossédée du commerce de proximité, en raison de la concurrence des centres commerciaux de la périphérie, mais également, parfois, de l’appauvrissement de la population. La richesse vive de la zone de chalandise ne permet plus la rentabilité de tous les points de vente et certains disparaissent (voir le tissu commercial de Boulogne sur Mer).
Dans notre station, tous les points de vente ne sont pas en difficulté, donc il ne faut pas généraliser à l’ensemble du commerce. Il conviendrait donc de segmenter (par secteur d’activité, par exemple) pour affiner l’analyse. Comme les commerçants gardent bien secrets les résultats de leur activité, alors que bon nombre d’entreprises publient leurs résultats, il n’est de toute façon pas possible de mener une quelconque analyse afin de dresser une connaissance sérieuse de la situation du commerce à Hardelot. Tant que cette analyse ne sera pas menée, la situation du commerce à Hardelot restera de l’ordre de l’opinion ou de la croyance. Donc, si nous reprenons le raisonnement, la volonté de constructions nouvelles a pour tout fondement une hypothétique difficulté du commerce local, produit d’une généralisation, et dont la substance est de l’ordre de l’opinion ou de la croyance. Vous imaginez que cela ne saurait suffire à motiver un abandon de nos actions de protection de notre environnement.
Il est donc fort probable que certains commerces sont en difficulté. Mais les sources de difficulté d’un commerce sont nombreuses. Il faut d’abord distinguer les commerces qui sont en phase de maturité et qui déclinent parce qu’ils n’ont pas su s’adapter à l’évolution du contexte. Nous l’avons vu avec le commerce alimentaire. Ensuite, d’autres commerces comme celui de la restauration sont peut être trop nombreux et ne subsisteront que les plus attractifs et les plus solides (d’un point de vue financier et de gestion). C’est la loi du marché. Ceux qui disparaîtront seront peut être remplacés par d’autres, qui souhaiteront venir se frotter au marché, parfois sans étude de marché, sans « business plan », ou avec une assise financière insuffisante. Il ne suffit pas de croire que Hardelot est un eldorado pour venir s’y installer. La gestion d’un commerce dans un tel contexte (forte saisonnalité de l’activité, forte contingence en raison des variations climatiques, etc.) nécessite une solide compétence tant dans son coeur de métier qu’en gestion, une solide assise financière pour ne pas être en cessation de paiement au premier coup de vent, etc.
Néanmoins, même s’il n’est pas possible de mener une analyse sérieuse (scientifique, si j’osais !) de la situation du commerce à Hardelot, il serait bénéfique de mener une étude de l’attractivité de la station auprès des résidents et des touristes afin d’avoir une connaissance de ses forces et de ses faiblesses. Sans doute que les résultats de cette étude nous apporteraient également matière, par exemple, à améliorer l’équipement commercial ou à réorienter la construction vers des produits immobiliers plus conformes aux attentes des clients potentiels. De manière plus générale, un tel diagnostic permettrait de définir des priorités de développement et des stratégies destinées à les réaliser et de donner un peu plus d’ambition à la politique de développement de la municipalité et de la Communauté d’Agglomération du Boulonnais.
Depuis longtemps, nous avons émis le souhait de rencontrer les différentes parties prenantes à la construction de l’avenir d’Hardelot. Certains ont répondu à ce souhait, ne serait-ce que pour nous connaître. Cette nouvelle rencontre, sollicitée par Vivre Hardelot, répondait donc à notre attente. Elle a été profitable, pour nous, car nous avons fait connaissance avec les membres du bureau, nous avons pu échanger, et, surtout, proposer une enquête sur les forces et faiblesses de la station. Cette enquête-diagnostic sera une base de discussion d’une politique de développement de la station. Acceptée par nos interlocuteurs, nous devrions en faire un chantier commun dans un avenir tout proche.